Le bûcheur et le charbonnier
La Forêt, le Charbon
Juin 1817, Louis Bourdonnay Duclézio fait le bilan de l’exploitation du bois de Caurel. C’est une opération qui a pris six mois.
En décembre quarante bûcheurs investissent le bois avec haches, scies, brouettes et vivres. Le travail dure plusieurs jours, il faut tout couper, et le bois est en pente. En passant par les « Granges », ils se sont assurés que les paysans les accueilleraient pour les nuits dans leurs greniers ; le régisseur paiera la paille.
On s’attaque au taillis en respectant les souches, on coupe les bûches à deux pieds et demis. Avec les brouettes les enfants et les femmes présents forment des cordes près des places ou les charbonniers interviendront au printemps. Les branches qu’on appelle haguilles sont mises de côté, elles seront vendues en l’état sur place. Pas de fagots, les acheteurs qui se sont faits connaître, sont contents de trouver des produits bruts et moins chers.
A la fin du mois il ne faudra pas moins de trois commis et du régisseur pour contrôler la « livraison ». C’est près de mille cordes qu’il faut compter et payer aux bûcheurs. Le meilleur, Martin Hubert, en a coupé, avec ses « consorts », soixante dix-sept et à 1 franc la corde le calcul est vite fait. Cette somme va permettre de passer assez tranquillement l’hiver.
En mars onze hommes sont revenus pour recasser les bûches. En effet pour obtenir un charbon de bonne qualité pour le haut-fourneau il est important que les bûches aient le même calibre. Seules les haches sont en action, on fend et on refend. Ce travail est payé quatre sous la corde et cette fois Martin ne gagne que 17 francs et quelques centimes.
En avril retour de douze bûcheurs pour recéper les souches, il s’agit de laisser un bois propre, des souches aptes à fournir dans vingt ans une autre récolte. Les cinq dresseurs sont aussi là. Ce sont des bûcherons qui possèdent l’art de « dresser » les meules, ils savent disposer les bûches pour que les meules donnent le plus de charbon possible, si le charbonnier est habile bien sûr. Avant le dressage il faut nettoyer les places et construire les huttes qui permettront de s’abriter pendant la cuisson.
Sont présents les trois Hubert, François, Thomas et Joseph accompagnés de leur fils, Jean Marie Polotec et Joseph Jacob. A 77 ans Joseph est le patriarche du groupe, il ne fait plus le bûcheur depuis plusieurs années mais ses compétences de dresseur sont reconnues de tous. Bien sûr alors que ses collègues vont dresser chacun plus de 200 cordes , il n’en dressera que 150 mais il pourra ainsi ramener 46 francs à sa femme Thérèse qui l’attend à la Fontaine aux Normands. Il n’est pas question d’arrêter de venir sur les ateliers, la petite métairie qu’ils louent, leur coûte 17 écus par an. Elle leur permet de cultiver le blé noir des galettes et les légumes de la soupe même si « cette pauvre soupe n’est pas très grasse » comme le constate Mme Bourdonnay lors d’une visite.
De son côté Mathurin Dupuy a fabriqué 15 douzaines de hayons qui serviront à protéger les meules du vent.
Place aux charbonniers ! Ils sont huit : Yves Tellier et Hubert Labranche accompagnés par les « Aupied », c’est un véritable clan ! Ils se prénomment Jean-Louis, Jean-Marie, Trémeur, Yves, Yves-Marie et Jean-Laurent. Ne leur demandez pas quels sont leurs liens de parenté, il leur faudra la nuit et encore ! Chacun d’entre eux va s’occuper d’une rangée de meules. Sur la première place il y en a 49, sur la deuxième 67. A la fin du mois ils ont produit 5360 sacs de charbon payés 15 centimes le sac.
Dès que les premiers sacs de charbon sont remplis, 17 sactiers et voituriers se chargent, pour 40 centimes le sac, de les transporter dans les différentes halles des forges.
Louis Bourdonnay Duclézio est content, le temps a été bon et le rendement conforme à ce qu’il attendait. Le nouvel atelier est en cours de dressage à la Fontaine aux Normands. Joseph Jacob peut tous les soirs dormir dans son lit.
*un sou = 5 centimes, un écu = 5 francs
Ancienne mine de Saint Gelvan
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