L’hiver et son lot de misère (Edité par Jean Baptiste Bouvet)
Dans ce pays du Centre Bretagne, la langue bien vivante est le breton.
Seule une petite minorité d’ouvriers parle français. Breton ou français… Peu importe, car en cette matinée du 31 décembre 1840, la forêt de Quénécan est bercée par des psaumes en latin...
Dernière journée de l’an 1840, funeste Saint Maeleg.
Un grand service est donné en la chapelle des Forges des Salles… Une messe en mémoire de Louis-Henry de Janzé. Le même jour, des cérémonies semblables ont lieu dans les chapelles de Lanouée et dans celle de Kerguéhennec.
En effet, quelques semaines auparavant, le Comte de Janzé s’est éteint. A 88 ans (âge canonique au XIXe siècle), le 20 septembre, le propriétaire des Forges des Salles expire son dernier souffle dans ses appartements d’Ivry-sur-Seine. Commune du Val-de-Marne où il repose définitivement.
Ce 31 décembre 1840, une fois l’office des Forges des Salles terminé, un ultime hommage est rendu au Comte de Janzé, un homme de réputation fort généreuse.
C’est pourquoi, sa veuve et ses enfants font distribuer 300 francs aux nécessiteux. Une somme importante. Pour exemple, ces 300 francs de l’époque correspondent au salaire semestriel d’un commis au bois ou au salaire annuel d’un garde.
Cinquante ans après la Révolution, la pauvreté est encore considérée comme une fatalité. Ainsi, sous forte influence biblique, l’aide aux plus démunis s’impose aux chrétiens.
En 1854, le régisseur des Forges écrit à son propriétaire, Henry de Janzé – fils de Louis-Henry : « Monsieur, « ces pardons » sont des cérémonies qui attirent une affluence considérable de pauvres et de mendiants auxquels il est d’usage de faire une aumône extraordinaire… Je connais beaucoup d’ouvriers qui depuis la récolte de l’année dernière n’ont pas goûté de pain et le peu de nourriture qu’ils ont pu se donner se réduit à de la bouillie ou de la galette de sarrasin. Au moins les mendiants grâce aux distributions de chaque semaine… ont un peu de pain et en cela ils sont mieux traités que les ouvriers. Aussi ils sont tellement faibles par suite de longues privations que je crains beaucoup pour eux la chaleur de l’été prochain ».
Déjà, sept ans plus tôt, en 1847, le prix des céréales avait fortement augmenté. Le régisseur rend compte « d’une misère devenue si grande que je délivre tous les pains provenant des 180 livres de farine ».
Ainsi, une mauvaise récolte en été engendre presque systématiquement des famines en hiver. L’hiver et son lot de misère…
Au milieu du XIXe siècle, près de 70 % de la population vit sous la menace de la pauvreté. L’assistance publique n’est pas encore fondée. Par conséquent, autour des Forges des Salles, comme dans toutes les campagnes de France, la survie des plus humbles dépend principalement de la charité : distribution de nourriture ou dons d’argent.
Portrait du Comte de Janzé
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